Commémoration - Discours de monsieur le Maire pour le 80ème anniversaire de la libératio...
Parmi les différentes fêtes patriotiques, il y a des dates officielles retenues, des signatures d’Armistice, des redditions, parfois c’est une date symbolique, une date qui a valeur d’exemple, tel l’appel radiodiffusé du 18 juin lancé depuis Londres par le général De Gaulle … mais pour la Libération de la France, il y a autant de dates que de régions françaises, autant de commémorations que de villes et de villages. Il y a autant de souvenirs, de combats, de bombardements, de sacrifices humains, d’exactions sur les populations civiles, autant d’actes barbares, justifiés ou pas, contre celles et ceux accusés de collaboration, autant de situations difficiles qu’il y a eu de scènes de liesse, de joie, un vaste sentiment de soulagement lorsque chaque coin de France a été libéré.
Et cette période de la Libération, elle a été particulièrement longue et semée d’embûches de toutes sortes.
Qu’on en juge plutôt, entre le débarquement allié de Normandie, le 6 juin 1944 et la capitulation des allemands à Dunkerque, le 9 mai 1945, il se sera passé 11 mois, une petite année faite encore de durs sacrifices pour les soldats alliés et français comme pour les résistants et la population civile.
Dunkerque n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
J’ai tout à l’heure utilisé le mot « soulagement »; je crois que c’est le mot juste pour exprimer ce qu’ont ressenti les habitants de toutes les villes et villages libérés.
A Guînes, depuis l’invasion de l’armée allemande en mai 1940, il a fallu vivre à l’heure allemande et avec une population de soldats allemands très conséquente; les chiffres parlent d’eux mêmes : en 1940, Guînes compte 4300 habitants et les observateurs de la période d’occupation ont estimé qu’au moment de la bataille d’Angleterre, avec les vaste déploiement des pilotes de la Luftwaffe et le personnel affecté, il y avait 30 000 soldats et officiers allemands logés à Guînes.
Ce chiffre est impressionnant, comparé à une population locale composée essentiellement de femmes, de jeunes gens, d’enfants et de personnes âgées. La plupart des hommes valides étaient sous les drapeaux ou envoyés dans les camps de prisonniers.
Pour cette population locale, il est essentiel de pouvoir se nourrir et de se chauffer en période de froid. Alors, on va en quelque sorte utiliser le déploiement des soldats d’occupation pour se trouver du travail et gagner un peu d’argent.
En 1993, je me suis intéressé à cette période d’occupation et mes recherches m’ont conduit dans les archives de la mairie où j’ai pu dénicher dans un placard de l’étage, dans une pièce devenue depuis le bureau du maire, un carton rempli de documents de cette période d’occupation.
Dans ce carton étaient entassés des factures d’achats des allemands et adressés à la mairie qui n’avait pas d’autre choix que de régler ces factures; c’est comme ça que la France a payé son tribut de nation vaincue.
Les allemands ne se privaient de rien pour essentiellement améliorer leurs conditions d’hébergement mais ils faisaient également travailler les femmes de Guînes pour nettoyer les logements, faire la cuisine, laver et repasser le linge… Suivant les périodes, 120 personnes à la semaine pouvaient travailler pour les allemands à raison de 8 à 10 heures par jour. Pour les femmes, ces heures permettaient de faire bouillir la marmite et c’était loin d’être négligeable.
C’était ça aussi la période d’occupation : travailler pour les allemands pour vivre et plutôt même, pour survivre !
Mais il ne faut pas se tromper : personne ne faisait ça de bon cœur. Travailler pour l’occupant avait quelque chose de servile, personne n’y allait de bon cœur, c’était une nécessité.
Voilà encore une raison pour les Guînoises et Guînois de pousser un ouf de soulagement quand les troupes alliées sont entrées dans la ville.
Et que dire également de la privation de Liberté pendant ces longues années d’occupation ! Nous étions en zone rouge, depuis le début de la guerre et il fallait montrer patte blanche, les laisser passer, délivré par l’occupant pour sortir de Guînes . C’était difficile d’aller à la campagne afin de se ravitailler dans les fermes des alentours.
Pas de distractions, plus de TSF, car elles avaient été réquisitionnées dès mai 40, la scolarité des enfants était bien compliquée car les écoles avaient été réquisitionnées, difficile de se soigner car le seul médecin de Guînes en exercice, le docteur Matringhen était sous les drapeaux, manger à sa faim était impossible et il était interdit de se rendre en forêt pour récupérer du bois car les allemands occupaient les lieux, notamment pour couper les jeunes arbres et les transformer en piquets Rommel.
Encore autant de raisons d’être soulagés de voir les allemands partis en septembre 44 !
Le mardi 5 septembre, il n’y a plus d’allemands en ville, et à 16h30, une colonne formée d’automitrailleuses, tanks et chenillettes descendant de Caffiers fait son entrée sur la place Foch après avoir empruntée la rue de Guizelin. Ces troupes alliées arrivées à Guînes forment l’escadron A du 7ème régiment de Reconnaissance de la 3ème division d’infanterie canadienne.
Au moment de leur arrivée, les habitants de Guînes sont plutôt méfiants quant à la nationalité de ces troupes; il a circulé tant de fausses informations depuis 4 ans…. Mais rapidement, le doute est levé, ce sont bien des alliés, des libérateurs. Un drapeau tricolore avec une croix de Lorraine est hissé au fronton d’un commerce, (là bas, à l’ancien Point Frais) et la ville est en liesse jusque dans la soirée.
C’est à partir de ce moment là que les choses vont se gâter pour Guînes. On peut considérer que la ville est libérée mais la guerre n’est pas finie et la population va devoir vivre sous la menace des obus allemands. qui vont s’abattre sur la ville jusqu’à la prise de Calais, officiellement libérée le 4 octobre. Ce sont essentiellement des obus de DCA qui vont s’abattre sur différents quartiers de Guînes durant un mois. Cette batterie de DCA allemande est installée dans le secteur des Hauts Champs à Coulogne, et elle va régulièrement envoyer des obus sur Guînes qui couteront la vie à plusieurs habitants et feront des dizaines de blessés.
Ces obus dits «fusants » explosaient souvent avant de toucher le sol; ils envoyaient de la mitraille, des éclats, et occasionnaient des blessures épouvantables.
Parmi les victimes, un nom retient plus particulièrement l’attention puisqu’il s’agit de Mme Marthe Calais, l’épouse du maire d’occupation, Mr Eugène Calais.
La joie d’être enfin libérée n’a guère durée longtemps pour Guînes qui a donc connu une période de la libération très difficile, très éprouvante. C’est quasiment paradoxal alors que le conflit n’avait quasiment pas fait de victimes civiles durant la période de guerre.
Je souhaiterai pouvoir maintenant terminer mon propos en faisant mention pour cette période de la Libération, du comportement héroïque de la notre section de la Croix Rouge guînoise qui a soigné nombre de blessés dans les caves aménagées autour de cette grand-place, je pense en même temps à Mme Leroy, la sage femme, qui eut à gérer des accouchements sous le fracas des bombes, je pense aussi aux résistants et à leur chef, Bernard Lemattre, ancien instituteur au Marais de Guînes. Et puis, je ne peux passer sous silence nos résistants guînois qui sont Sidney Bown, fusillé par les allemands au fort de Bondues et André Guilbert, mort en déportation.
Toutes ces références que j’ai pu vous livrer dans cette petite intervention, je voudrais simplement vous dire qu’elles sont extraites d’un travail de recherches que j’ai eu le plaisir de mener en 1993 et ce travail m’a permis à l’époque de consulter bon nombre de documents mais également de recueillir les témoignages d’habitants de Guînes dont celui de Mr Paul Warnault, ancien maire de Guînes. Il était âgé de 70 ans à cette époque et il avait conservé des souvenirs très précis de la période d’occupation et de la Libération; il m’en a fait profiter, tout comme Mrs Jacques Louf, Paul Verne, Jean Darré, Charles Fauquet, Alfred Mantez, Raymond Lecoustre et bien d’autres.
Ce à quoi vous allez assister ce dimanche, n’est pas une reconstitution historique, loin s’en faut, c’est plus modestement une évocation des scènes de la Libération de Guînes en septembre 1944 et à ce titre, je vais laisser la parole à Mme Julie Matte, conseillère municipale déléguée, qui, avec de nombreux autres élus et bénévoles, s’est chargée d’organiser cette manifestation.
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