En pleine conquête des airs, deux ans après le premier « voyage » de Pilâtre de Rozier, Jean-Pierre Blanchard frappe un grand coup.
Le 7 janvier 1785, il traverse la Manche en compagnie de son fidèle mécène et médecin américain John Jeffries, dans un aérostat gonflé à l’hydrogène.
Physicien, aéronaute, mais avant tout inventeur, Jean-Pierre Blanchard se passionne pour les machines plus lourdes que l’air. Le jeune loup réalise un saut… en parasol, construit une voiture à pédales et des machines hydrauliques. Henry Cavendish vient de découvrir l’hydrogène et c’est ce gaz qui fera le succès du fou volant français. L’idée de voler le fait fantasmer et il n’est pas le seul. 1783, les frères Montgolfier réussissent le premier vol dans un ballon gonflé à l’air chaud. Quelques mois plus tard s’illustre le tristement célèbre Pilâtre de Rozier avec le premier voyage en montgolfière. La même année, les frères Robert et le physicien Charles mettent au point un ballon gonflé à l’hydrogène. l’exploit est en marche.
Blanchard, qui travaille depuis 1781 à la construction d’un vaisseau volant, s’attache à cette volonté de réussir un vol dirigeable et non captif, d’où cette idée d’équiper la nacelle d’ailes et de gouvernails. Le 2 mars 1784, deux petites années après sa démonstration ratée à Paris qui le ridiculise, Blanchard persiste et signe. Il réussit un tour de force, sur le Champ-de-Mars, il décolle et traverse la Seine pour se poser sans s’écraser rue de Sèvres.
Septembre 1784, il rallie l’Angleterre avec le fol espoir de revenir en ballon. Quatre mois plus tard, le rêve devient réalité.
Le 7 janvier 1785 au petit matin, le ciel est dégagé, la température très fraîche. En dépit de l’avis contraire des marins, Jean-Pierre Blanchard et le docteur Jeffries décident de prendre de la hauteur pour rallier les côtes françaises. Il est 13h05, le ballon à l’imperméabilité incertaine s’élève en rotation sur lui-même au-dessus du château de Douvres avec à son bord quarante-trois petits kilos d’objets et de lest. Le ballon, muni d’ailes, d’un gouvernail et d’une hélice avance lentement et perd de l’altitude de temps à autre, obligeant les deux hommes à se séparer des provisions, des ailes, du gouvernail, du moulinet, des ornements de la nacelle puis de la bouteille à ouvrir en cas de couronnement.
L’aérostat qui perd encore de la hauteur, pousse le duo à un improbable striptease au-dessus de la Manche. Ne leur reste plus que leur gilet de liège. Rien n’y fait. Et c’est au moment où Jeffries se propose de se sacrifier que le ballon prend de nouveau de l’altitude. Il est quinze heures lorsque dans un dernier bond, le plus élevé du périple, le ballon franchit la côte entre les caps Gris-Nez et Blanc-Nez.
Dans un dernier coup de vent, les deux aéronautes se posent tant bien que mal, sans s’écraser, dans la forêt de Guînes. Jean-Pierre Blanchard et John Jeffries viennent de réaliser la première traversée de la Manche par voie aérienne.
Fort de cet exploit, le Français sera à maintes reprises sollicité pour des démonstrations à l’étranger, en Belgique, en Allemagne. Frappé d’apoplexie en vol, Blanchard décède à l’aube de sa soixante-dixième ascension.